La Trilogie de la Villégiature, ou comment passer une super soirée après une journée de cours exténuante... Le temps de 10 stations de métro, et on oublie le cours de droit constitutionnel interminable pour découvrir une pièce des plus agréables dans ce tout nouveau Théâtre Éphémère de la Comédie Française, qui se dresse dans les jardins du Palais Royal le temps des travaux dans la salle historique.
Carlo Goldoni, c'est un peu le Molière italien du 18e siècle. Chronologiquement, il a plutôt vécu en même temps que Marivaux, mais l'humour chez Goldoni est différent de celui de Marivaux, et il est plus juste de le qualifier de "petit Molière" (il ne le surpasse quand même pas!). Mais parlons de la pièce en elle-même, maintenant. Ou plutôt parlons des pièces. En effet, la Villégiature relate en trois pièces d'1h15 chacune les aventures de petits bourgeois qui se préparent pour aller passer l'hiver en villégiature, pour consacrer leurs jours et leurs nuits à manger et à jouer.
Tout commence par la Manie de la villégiature, pièce dans laquelle tous les personnages sont excités à l'idée du départ imminent. Les jeunes filles s'inquiètent de savoir si leur "mariage" (le dernière robe venue de France) sera prêt à temps; les deux jeunes hommes se livrent une petit guéguerre pour savoir qui va partir la campagne avec qui, dans quelle voiture; on trouve toujours un profiteur qui s'incruste là où il sait que la nourriture est la meilleure... Une première pièce très légère, très drôle, rythmée par des "on part!" et des "on ne part plus!" à tout bout de champ.
Le temps d'un premier entracte, toute notre petite troupe est arrivée à Montenero, en villégiature. Les Aventures de la Villégiature est moins drôle, on n'est plus dans des broutilles, l'intrigue se précise. Les domestiques ont dans cette pièce un rôle prédominant, ils ont de longues discussions sur leurs maîtres qui dilapident leur fortune, pourtant maigre pour certains, en jouant au pharaon. Ces maîtres qui, à force de vivre au dessus de leurs moyens, vont devoir rentrer à Livourne, en ville, en urgence.
Tout est dit. Le Retour de la villégiature montre des personnages ruinés, qui, pour sauver les apparences, vont se marier pour sauver les apparences, pour ne pas se retrouver à la rue... Au final, même si tout le monde se rétablit à peu près, ce n'est pas vraiment très heureux. Seul le pique-assiette, Ferdinando, arrive à se caser avec une riche veuve. Michel Vuillermoz campe ce rôle de manière assez exceptionnelle, il faut le dire!
Justement. C'est bien beau de parler de l'histoire, mais bon si il n'y avait que ça, autant acheter le livre. Je crois que j'ai rarement vu une pièce aussi bien jouée. De très grands acteurs, tous géniaux du début à la fin. Laurent Stocker en petit bourgeois passablement excité et gamin, mais surtout, mention spéciale aux personnages féminins. Anne Kessler en Vittoria, qui ne peut s'empêcher de sautiller et de virevolter, c'est la naïve de l'histoire (par ailleurs j'adore sa voix !!), s'oppose à Giacinta, que Georgia Scalliet joue à merveille. Et quand tout ce beau monde évolue dans un décor et porte des costumes somptueux, que peut-on trouver à redire ?
Pour résumer, la
Trilogie de la villégiature mise en scène Alain Françon, c'est 4h30 de pur bonheur, en ce moment et jusqu'au 12 mars à la
Comédie Française !