dimanche 31 mars 2013

Revolution, ou la vie après une coupure d'électricité à échelle planétaire



Après vous avoir parlé de The Walking Dead il y a quelques mois (l'article ici), je vais aujourd'hui vous parler d'une autre série télé, Revolution. Une série post-apocalyptique. L'idée de base est celle-ci : tout va bien sur terre jusqu'au moment où une espèce de coupure de courant géante se produit. Genre grosse coupure. Genre d'un coup la terre s'éteint, les voitures arrêtent de fonctionner, tout le monde est désarmé. 

La série nous emmène alors 15 ans plus tard - toujours pas de courant - dans un monde où les gens ont appris à survivre autrement. Tout n'est cependant pas tout rose, comme toujours certains ont voulu s'imposer, plus ou moins par la force, et c'est un gouvernement militaire qui a alors le pouvoir, avec à sa tête un homme qui veut tout faire pour réactiver le courant et dominer encore plus le monde. 


Un jour, dans une petite communauté, à la campagne, la milice arrive pour embarquer un homme qui pourrait avoir une idée de comment faire revenir le courant. Mais tout ne se passe pas comme prévu, son fils est embarqué à sa place, et, mourant, le père va dire à sa fille que son oncle pourra l'aider à le retrouver. L'héroïne Charlie part alors à la recherche de son oncle, Miles (le très bon Billy Burke). 


S'ensuivent leurs aventures. Honnêtement j'aime bien. Le scénario est plutôt bien ficelé, les infos données au spectateur pour expliquer "la panne" sont diffusées au compte-goutte, on est maintenus en haleine. Et puis niveau paysages, c'est assez drôle : on n'est pas dans un type de paysage post-apo classique, où tout serait dévasté, mais plus dans un monde avec une nature belle qui aurait pris le dessus. Par exemple, c'est tout bête, mais il ne pleut jamais, dans cette série, j'ai l'impression, il fait toujours beau, grand soleil, végétation luxuriante et tout et tout. Ça fait un peu fake, mais on aime ça ! Et puis on retrouve dans cette série Giancarlo Esposito, que j'avais découvert dans soin rôle de Gus dans Breaking Bad, et il faut avouer qu'il remplit son rôle de méchant à merveille.

Je dirais donc que sans être une série d'exception, elle se laisse regarder et apprécier, on s'y prend assez vite. Du classique, sans trop d'originalités, mais du classique bien. Et ça me va.




Revolution, série créée par Eric Kripke (2012). Saison 1 actuellement en cours de diffusion aux États-Unis sur NBC.


Images : Google

samedi 16 mars 2013

TABOU


TABOU. Parler du suicide
Dernièrement, la projection de ce film réalisé par la jeune Orane Burri m’a marquée (dans le cadre de la journée pour la prévention du suicide, organisée par SOS amitié). Il porte sur un sujet délicat, très fort, qui m’apparaît aujourd’hui comme approprié pour le thème de ce mois. Il apporte à mes yeux une réflexion essentielle sur la vie. C’est également un rappel de l’existence de ces âmes esseulées, démunies face à certaines difficultés, qui ne demandent alors qu’un peu d’aide. Ces personnes fragiles sont sur le fil, et manquent de confiance Et ce manque est amplifié par un très fort besoin d’attention.

Thomas, 22 ans, est arrivé à un moment de sa vie où rien ne va, où les certitudes s’effondrent. Pendant que d’autres construisent leur vie, sans lui,  la solitude l’enveloppe et le torture. Cinéaste amateur, il va décider de se filmer régulièrement, seul dans sa chambre, en confiant ses sentiments à la caméra, en vue de réaliser sa triste œuvre ultime. Ainsi une complaisance dans le malheur lui donne une certaine importance. Il s’efforce alors de vivre encore un peu pour mieux mourir aux yeux des autres… pour son dernier moment de « gloire ». C’est l’idée d’œuvre qui apparaît dans la mise à mort organisée de Thomas : œuvre de sa propre mise à mort. Thomas est confronté à l’apocalypse du ressenti de sa vie, et l’acte du suicide apparaît comme l’unique et dernier moment de sortir de cette vie invivable, afin d’aller vers un meilleur, une renaissance, car rien ne pourra être pire que l’actuel présent…

Pour que les choses soient plus claires, cette vidéo rappelle les débats autour de Tabou et nous éclaire sur le sens qu’a voulu donner la réalisatrice à son film. Cette vidéo est un extrait d’une soirée télévisée spéciale sur la chaîne suisse TSR.  



 

Bouleversement à la limite du traumatisme, il faut s’accrocher dans la projection, car ce n’est malheureusement pas une fiction que l’on regarde. Nous sommes projetés dans le réel, dans la vie de ce jeune homme, au cœur d’une sorte de journal intime. Nous devenons les spectateurs de son désespoir et de son déclin, de son tiraillement entre la fascination de la mort et son aspiration à survivre malgré tout. Il s’agit d’un des films les plus durs que j’ai vu, du fait de sa réalité, mais aussi parce que certains problèmes qu’évoquent Thomas peuvent nous rappeler nos propres moments de doutes, de tristesse, nos propres faiblesses. Si nous avons, nous, réussi à les surpasser, Thomas lui n’en a pas eu la force, ou les moyens. Sûrement n’y croyait-il pas vraiment.

C’est aussi notre impuissance à agir qui nous bouscule : nous sommes spectateurs de l’intimité la plus profonde de Thomas, à la place de sa caméra, auditeurs de ses pensées, et nous avons envie d’agir, de l’aider (on oublie que nous sommes au cinéma, face à un écran et à des faits passés). Nous prenons alors conscience que nous ne sommes pas plus puissants que la famille de Thomas ou ses proches, qui ne savent rien de ses pensées, qui seront face au fait accompli et à l’irrémédiable. Ils seront surpris et se diront « pourquoi il ne m’a rien dit ? » et surtout : « pourquoi n’ai-je rien vu ? ».

C’est du manque d’amour que la fin de Thomas commence, de la rencontre avec cette jeune fille (la cinéaste Orane Burri elle-même). Thomas s’enflamme et brûle d’espérance, et celle-ci, comme souvent est déçue. Parce qu’il est déjà dans un état d’esprit dépressif, celui-ci sombre. Il s’isole, voit moins ses amis, et commence à ne penser qu’à son grand projet, seul évènement qui lui apparaît alors comme positif, parce qu’à ce moment là, il sera le centre de l’attention.

Il est difficile de se mettre à la place de cette jeune cinéaste, personnage discrète dans ce film, mais pour autant essentielle. Comment gérer son éventuel sentiment de culpabilité ? Comment ne pas remettre en question ces actes passés ? Et surtout, comment avancer ? Celle-ci a décidé, par respect et amitié entre autres, de faire se réaliser l’ultime souhait de Thomas en montant ce film. En y liant les témoignages de ses amis les plus proches et de sa famille, la cinéaste cherche alors de chercher d’éventuelles réponses aux questions que tout le monde se pose dans une telle situation.

Cependant la projection de cette soirée spéciale « Briser le tabou du suicide » sur la Tsr ne s’est pas déroulée sans polémique. En effet, un magazine nommé Le Temps dénonce la spécificité de la personnalité de Thomas « Par son narcissisme exacerbé, son égoïsme, son égotisme et sa froideur distante, le témoignage de Thomas agace le spectateur davantage qu’il ne le touche ». Pauline Borsinger, président de l’Association Stop-Suicide pense que l’histoire de Thomas ne colle peut être pas au mieux avec l’objet du film, c’est-à-dire ouvrir le débat sur le suicide qui touche beaucoup trop de jeunes et surtout servir à la prévention.  « Ce film ne pourra pas servir à la prévention car il présente une démarche très élitiste et très romantique du suicide. » Selon ces dires, parce que Thomas aurait choisit de montrer son mal-être et de le filmer, il ne serait donc pas en conformité avec l’état des suicidaires qui eux évitent pudiquement toute caméra. J’ai même lu certaines réactions énonçant qu’avoir fait un film parlant du suicide avec une personne comme Thomas était scandaleux, parce que Thomas avait tout pour être heureux et vivait dans une condition sociale très satisfaisante comparé à d’autres pour qui « le suicide serait plus justifié ». C’est oublier que le suicide est un mal qui touche chaque personne, que l’argent ne fait pas forcément le bonheur, et surtout que chacun réagit différement selon sa sensibilité face aux situations que nous offre la vie. On ne peut dénier la véracité de la souffrance de Thomas. Chaque être est spécifique et ses souffrances réelles. Le film en est évidemment un témoignage.

Pour moi, le moment le plus dur du film a été  lorsque le moment programmé pour passer à l’acte arrive. La cinéaste a eu le bon sens de ne pas sélectionner les dernières vidéos pour son film. Le visionnage de sa lente agonie n’aurait été que supplice pour le spectateur, tout en exacerbant le caractère de voyeurisme. Ce qui m’a frappé a été le fait que Thomas, si décidé et longuement préparé à sa mort, se voit entièrement démuni lors de son passage à l’acte. Il a envoyé ses lettres d’adieu et ne peut faire marche arrière. Mais cela se voit, il  n’en a plus envie. Il désire tellement qu’on le sauve. On se dit alors qu’il y a peut être une différence entre « vouloir se tuer » et « vouloir mourir ». La volonté de se tuer sous entendant l’envie d’une réaction de la part des autres, comme si on isolait l’acte de ses conséquences, et qu’en agissant on ne se projetait pas dans l’après, dans la mort, comme si après on serait toujours vivant mais que notre entourage aurait pris conscience de notre désespoir. La volonté de mourir inclut elle la disparition totale de l’être…C’est un constat déchirant, c’est se dire que les personnes qui mettent fin à leur vie, dans un contexte similaire à celui de Thomas ne recherchent que de l’aide, d’un plan Y à la place de ce plan Z  pour apaiser leurs souffrances.

En cela réside le principal constat que le peut se faire à la fin du visionnage de ce film : la force salvatrice de la parole. Il faut parler des fortes tristesses qui nous tourmentent et qui nous rendent cette vie impossible. Il ne faut pas faire de l’histoire de Thomas le cas-type du jeune adolescent qui met fin à ces jours puisque chaque suicide est différent. Seulement c’est tout de même une conclusion que l’on peut se faire : les personnes qui passent à l’acte le font justement parce qu’ils n’ont plus aucune autre alternative. Les associations de prévention contre le suicide comme SOS Amitié prennent ici toute leur force. Il est essentiel de les faire connaître à ces personnes en difficulté. Celles-ci constituent cette alternative tant désirée, qui permettra alors il faut l’espèrer, de constituer l’aide dont ces personnes en difficulté recherchent désespérement. Ceux-ci pourront alors entrevoir la possibilité d'avancer dans la vie, à la place de capituler face à l’apocalypse de leur actuelle condition.

Liens sur la prévention :



 

dimanche 3 mars 2013

L'Accent sur...

APOCALYPSE. Je sens déjà les commentaires : "mais la fin du monde c'était prévu pour décembre dernier, vous êtes un peu en retard pour nous parler de ça maintenant, sur le Kulturrama! " Et pourtant, nous allons le faire, parce que comme dirait l'autre, nous ne sommes pas à l'abri d'une nouvelle annonce d'apocalypse dans les temps à venir, n'est-ce pas?

L'Apocalypse renvoie avant tout au dernier livre de la Bible chrétienne, qui la clôture, écrit par Saint Jean, livre dans lequel est décrit le monde qui se délite avant l'instauration du Royaume de Dieu, un monde humain donc qui s'efface pour laisser place à un monde divin nécessairement meilleur. Il y a donc, dans ce mot d'apocalypse, cette notion que c'est l'effacement de quelque chose devant quelque chose d'autre, qui va se découvrir. Étymologiquement d'ailleurs, le mot apocalypse lui-même vient du grec, avec des mots comme apokalupsis (qui signifie révélation), ou encore apokaluptein (découvrir, dévoiler). C'est donc l'idée qu'on va lever le voile sur quelque chose d'inconnu, quelque chose de caché (kaluptein). L'Apocalypse en ce sens, finalement, ne serait pas forcément quelque chose de négatif, puisqu'il y aurait une espérance de mieux après.

Mais le deuxième sens du mot apocalypse c'est celui, couramment utilisé, de fin du monde. Et beaucoup d'artistes, d'écrivains, ont travaillé sur cette notion, souvent en faisant de l'apocalypse, de la fin du monde, la fin de tout. Je m'explique : après l'apocalypse que reste-t'il ? Pas grand chose, en tous cas pas grand chose de bon. On est là dans une idée négative de l'apocalypse, il n'y a pas d'espérance d'un monde meilleur. Je pense à des oeuvres comme La Route, livre de Cormac McCarthy adapté au cinéma par John Hillcoat, je pense à beaucoup de livres d'anticipation, je pense à un certain nombre de séries TV d'aujourd'hui où un événement (une panne générale d'électricité dans Révolution ou une mystérieuse épidémie dans The Walking Dead) fait basculer le monde dans le chaos. 

Et puis je terminerai sur le double visage de l'apocalypse. En effet, un sentiment m'envahit quand je regarde des paysages de ruines, de Piranèse par exemple au 18e siècle : rien n'est réel dans ses gravures, les paysages qu'il y montre sont à la fois terrifiants et fascinants, ce de par leur grandeur. Je crois donc que quelque chose d'apocalyptique, notamment un paysage, est d'une beauté sans pareille, car à la fois grandiose et effrayant.

Nous allons donc essayer de trouver ce mois ci de quoi vous donner un aperçu de ce qui, pour nous, est apocalypse. En espérant que celle-ci ne se produira pas encore, histoire qu'on puisse se retrouver le mois prochain après avoir traversé le mois ténébreux qui nous attend...!