ZORAN MUSIC (1909-2005)
Au plus profond des abysses
«Sur le moment, j'ai dessiné ce que j'ai vu. Puis
j'ai cherché à oublier ce que j'avais vu. Mais, en dessous, ça travaillait.»
Devant cette peinture issue de la série « Nous ne sommes pas les derniers »
au Musée des beaux Arts de Dijon, j’ai été immédiatement captivée,
paralysée, bouleversée mais surtout intriguée par le titre. Nous ne sommes
pas les derniers. L'obsession de sa compréhension me prit alors. Pourquoi ce
regard d’effroi, de profonde souffrance ? Au final, lorsque j’ai appris
l’histoire de Zoran Music et son œuvre, je ne l’ai plus jamais oubliée.
Z.Music a connu un enfer bien réel : le camp de
concentration de Dachau. Dans celui-ci, il dessine, acte constituant l’unique
moyen de se sentir encore homme, et ceci au péril de sa vie. C’est une trentaine d’années plus tard qu’il
reviendra dans son art sur cette partie de son existence, ceci pour exprimer sa
réflexion sur l’homme et les atrocités dont il est capable. Un témoignage
poignant. La mise en image d’une histoire qui dérange mais qu’il ne faut pas
oublier. Répéter cet épisode de l’histoire ? Jamais. Et pourtant…
« ils n’étaient pas les derniers ».
Auschwitz, peu de temps avant la libération du camp.
Un détenu, prêt à être pendu, crie « Camarades, je suis le dernier ».
Cet évènement est également raconté dans « Si c’est un Homme » de
Primo Levi, et je me rappelle d’ailleurs les frissons ressentis durant la
lecture… Z.Music, lui, est à Dachau.
« Dans les camps
de Dachau, entre nous, nous formulions une conviction : « Jamais plus une chose
pareille ne se répétera. » Vingt cinq ans plus tard, aujourd'hui même,
l'histoire et l'actualité démentent notre souhait. D'où le titre de cette
série. »
C’est dans les années 70 que Zoran Music répond à ce
détenu prêt à être pendu, avec sa série de peintures sous le titre «Nous ne
sommes pas les derniers ». Son regard distancié sur l’atrocité de la Shoah porte
un triste constat. Non l’extermination d’hommes par d’autres hommes n’a pas
cessée. Non la solution finale n’a pas été l’ultime fois où l’homme a considéré
qu’il était légitime d’en tuer d’autres, pour des motifs tels que les croyances
religieuses ou politiques.
« L'énormité des
camps et ce qui s'y déroulait n'est pas mesurable. L'insoutenable, je l'ai
vécu, il m'est apparu bénéfique ultérieurement. Avec du recul, il me semble que
cet accident date d'un siècle, tout comme d'hier. En fait, c'est le caractère
omniprésent d'un événement qui finit par être positif, nous incitant à une
réflexion active. »
(propos
recueillis par Vanessa Delouya pour les Etats généraux de la psychanalyse)
Ces évènements gardés en mémoire ont pu voir
s’accomplir la lourde tâche qui leur était liée et qui incombait au
peintre : faire éclore cette mémoire par sa transmission aux autres, afin
qu’elle soit fertile. Réussir à faire naître une réflexion métaphysique, d’une expérience
vécue, indicible et puissante, là réside la force et la grandeur de l’homme
qu’a été Zoran Music.
C'est une expo temporaire ? Elle est encore d'actualité ? J'aimerais beaucoup la voir.
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RépondreSupprimerLe tableau de la série que j'ai vu fait partie des collections permanentes du Musée des Beaux Arts de Dijon (fermé actuellement mais en réouverture à partir du 29 mars!) Mais il n'y en a malheureusement qu'un seul là-bas, je ne sais pas où sont exposés le reste de la série.
RépondreSupprimerSinon, je viens de trouver ce dossier sur une exposition temporaire en 2010 : http://www2.ac-lyon.fr/etab/ien/ain/bourg2/IMG/pdf/MusicDP-times.pdf