HE’S LOST
”Existence, well what does it matter ?
I exist on the best terms I can.
The past is now part of my future,
The present is well out of hand.”
CONTROL :
La mise en scène de la poésie de Joy Division
Ce qu’on note dès les premiers instants du film,
c’est une très belle photographie. Anton Corbijn est avant d’être cinéaste, un
célèbre photographe, notamment de célébrités du monde du rock. S’il est allé en
Grande-Bretagne au début de sa carrière, c’était pour photographier le groupe
Joy Division. Son histoire est donc intrinsèquement liée avec le groupe, ce qui
explique en parti le choix du sujet de son premier film.
L’ambiance de celui-ci est généralement oppressante.
Il faut noter qu’il est intégralement en noir et blanc. Les raisons pour
lesquelles le réalisateur a fait ce choix sont intéressantes. Tout d’abord il a
remarqué que tout ce qui est lié au groupe est en noir et blanc : les
affiches, les documents vidéos, les pochettes d’albums… Ensuite lorsqu’il est
allé en Angleterre, ce qui l’a marqué était le fait que ce pays était très
gris. Enfin, le noir et blanc pour lui
permet de lier les personnages avec douceur. Au final le rendu est très subtil,
la plupart des plans sont magnifiques, et cela confère une poésie particulière
au film.
Si l’on veut résumer le film succinctement, on
pourrait dire la chose suivante. La poursuite d’un rêve et une déception. Une
histoire d’amour tragique. Et au milieu de tout ça une musique fantastique
moteur du film. Quand on l’écoute, avec la façon dont elle est jouée dans le
film (par les acteurs eux-mêmes !), combinée à la manière dont elle est
filmée, ceci constitue une espèce de formidable colonne vertébrale.
Ian Curtis,
une âme perdue
Le film nous fait découvrir le caractère de Ian
Curtis et ses contradictions. Face à l’apparition de l’épilepsie combinée à une
multiplication des choix à faire, choix déterminants de son existence, Ian
Curtis se trouvera perdu dans sa vie, et cette perdition le mènera fatalement à
la fin tragique que nous connaissons.
Ian se sent tiraillé dans différentes directions, et
ce tiraillement deviendra invivable, le menant finalement à abandonner toue foi
dans la vie et dans ce qu’il vécu auparavant ou continue d’entreprendre. Ainsi
il est essentiel de comprendre la chose suivante. La volonté première de Ian
est de satisfaire tout le monde, de faire plaisir aux personnes qui l’aiment et
qui le soutiennent. Ce désir créé une confusion dans son esprit qui va au final
lui être fatale.
Il y a tout d’abord les désirs de Debbie. Son
premier amour de jeunesse qui deviendra sa femme à laquelle il doit rester
fidèle, toujours là et surtout dans les moments les plus durs. Si Ian propose à
Debbie d’avoir un enfant, ce n’est pas pour lui mais parce qu’il sait qu’elle,
en a envie. Lorsque celle-ci est enceinte, aucun membre du groupe n’est au
courant. On peut penser que Ian est gêné de cette situation et plus clairement
qu’il n’a pas l’envie d’être père. Avoir un enfant et pas d’argent est une
situation difficile, qui ajoute une sorte de poids à son existence, pesanteur
grandissante risquant à tout moment de s’abattre sur lui. S’ajoutent à cela les
attentes du groupe, avec les concerts qui se multiplient, la tournée prévue aux
Etats-Unis… Ian, ambitieux, a envie de satisfaire ses fans qui se multiplient,
il doit tout donner sur scène, ne décevoir personne, quitte à aller au-delà de
ses capacités. Le succès immédiat et la notoriété grandissante de Joy Division ajoute également de l’ampleur
à ce poids pesant sur Ian Curtis.
Ian ne veut pas que son bonheur entrave celui des
autres. C’est ce que démontre le triangle amoureux qui s’installe avec la
rencontre d’Annik, une journaliste belge, triangle dans lequel Ian veut que
tout le monde soit heureux. Ian Curtis est comme perdu entre ces deux amours,
un de jeunesse qui se termine mais qui lui est essentiel tel l’élément de base
de l’équilibre de sa vie, et l’amour platonique d’Annik, passion immédiate à
laquelle il n’arrive pas à renoncer.
Ainsi la tragédie de l’existence de Ian Curtis est
qu’on ne peut vouloir contrôler tout en même temps sans décevoir personne. Cette
situation conflictuelle nous fait comprendre qu’il ne peut vivre dans une vie
où il n’a pas l’entier contrôle. Lorsque ce conflit intérieur n’est plus
tenable, il libère ses tensions et son comportement explosif prend toute son
ampleur. Ainsi la perte du contrôle de Ian Curtis sur la conciliation entre les
désirs des autres et ses propres désirs va de paire avec son attraction vers la
mort. Les propos de Ian Curtis vers la fin du film, suite à sa première
tentative de suicide, sont très significatifs :
« Everybody hates me,
I’ve made everyone hate me,
Even the people who love me hate me ».
Ce
tiraillement engendre la musique de Joy Division. Une immense tristesse se
ressent dans celle-ci. Elle est l’unique lien, fragile, rattachant Ian à son
existence et par lequel il pouvait exprimer ses troubles. Ian Curtis aimait les
mots, et se retrouver seul avec. On peut remarquer dans le film que lorsqu’il écrit il est seul,
dans une pièce fermée. Il est dans son monde.
Ma vision personnelle de l’histoire de Ian Curtis
est qu’il s’est perdu dans une existence qu’il ne comprenait pas, comme si vivre
n’était pas fait pour lui. Il exprimait ainsi une lassitude de la vie. Rien
qu’en regardant des portraits de lui, je ne peux m’empêcher de remarquer cette
forte tristesse dans son regard. Et cela me bouleverse. Cette mort
omniprésente, si proche, se fait clairement ressentir dans sa musique. En
réalité, Ian Curtis s’est lancé corps et âme dans la vie, malgré tout les
obstacles… comme un grand saut dans le vide, avec l’atterrissage inévitable. A
chacun de ses faits et geste, la mort était à ses côtés lui rappelant qu’elle
peut venir le prendre à chaque moment.
Ceci est sans
doute grandement dû à la maladie dont il était sujet, l’épilepsie, mal encore
mystérieux à l’époque. Le film lui-même
montre que l’épilepsie est au centre de tout. En effet, lorsque Ian a sa première crise, il y a une scission
qui se marque clairement et le ton du film se fait désormais beaucoup plus
grave. Ian se rend compte à ce moment là qu’il a de graves problèmes. Ces
crises incarnent par excellence la perte de contrôle, l’imprévisibilité de
toute chose et surtout de la vie. Avec les effets secondaires, les médicaments
et l’alcool, Ian commence à vivre au quotidien dans un état dépressif. Déjà, la
maladie introduit comme une tragédie immense de la vie de Ian Curtis.
Suite à sa première tentative de suicide, due à une
prise excessive de médicaments combinée à de l’alcool, Ian Curtis évoque ses
sentiments par rapport au suicide par une lettre envoyée à Annik :
« Je ne veux
plus faire parti du groupe maintenant . Unkown Pleasures c’était bien. J’étais
heureux. Je n’ai jamais voulu que ça prenne cette ampleur. Quand je chante sur
scène se rendent-ils compte de tout ce que je donne ? De l’impact sur mon
état ? A présent, ils veulent plus. C’est devenu un dû. Je doute d’être à la
hauteur. C’est comme si tout ça, au lieu de m’arriver, arrivait à quelqu’un d’autre
m’ayant remplacé en se glissant dans ma peau. Et on doit aller en Amérique. Je
ne contrôle plus rien. Je ne sais pas quoi faire. »
Ian ne veut plus vivre, ne peut plus assumer ses
responsabilités liées à sa famille ou à son groupe, et ne se sent même plus
capable de chanter. La musique, ce lien fragile qui seul le faisait se sentir
vivant, s’est brisé.
Quelques autres musiques : In a lonely Place - Passover - The Eternal - New
Dawn Fades - Atmosphere - Love will tear us apart - Heart and soul - Isolation
- Dead souls - No love lost - Candidate
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