jeudi 17 janvier 2013

MOTORSCIENCE ou une lecture « scientifique » du film Holy Motors


Image extraite du prologue

L'année 2012 étant achevée, j'ai choisi de vous parler du film que j'ai préféré en 2012 : Holy Motors de Leos Carax. Aussi, le thème de janvier, science, tombe à pique. En effet il me semble que le film met principalement en exergue le cinéma et la science ou plutôt le cinéma en tant qu'art scientifique. C'est-à-dire le procédé technique de la caméra, qui permet d'enregistrer le réel.

La première séquence du film est assez explicite à ce sujet, nous voyons le réalisateur, Carax lui-même, se lever pendant son sommeil, somnambule, ouvrir une porte secrète qui dérobe vers une salle de cinéma, où l'on aperçoit des spectateurs morts-vivants, regardant une chronophotographie de Marey  en animation. Hors le procédé de la chronophotographie inventé par Marey, est souvent considérées comme l'ancêtre du cinéma. Aussi ce procédé incarne à merveille, la jonction entre l'art et la science. Car Marey, scientifique, expérimente la photographie, à des fins scientifiques. Dès le prologue, on peut dissocier le principal fil conducteur du film : l'évolution des procédés cinématographiques.

Après le prologue, nous allons suivre la vie de Monsieur Oscar, ou plutôt les différentes vies de Monsieur Oscar. Car son job, consiste à vivre une succession de rôles en 24h. Le film retrace une journée de travail de Monsieur Oscar, c'est-à-dire l'incarnation de 11 rôles différents (homme d'affaire, mendiante, ouvrier spécialisé en motion capture...). Ainsi le film prend vite la forme d'un - faux- "film à sketch". Monsieur Oscar est un acteur d'un nouveau type, puisque qu'il joue sans caméra, ou plutôt devant des caméras dématérialisées, invisibles et c'est justement là,le propos du film. Le film questionne le cinéma de "l'après pellicule".

 D'ailleurs le titre Holy Motors -littéralement Saints Moteurs- qu'on découvre à la fin du film en enseigne au néon vert d'un hangar, sauf  qu'une lettre est grillée, le o de « motors ». Hors, on connait l'amour de Leos Carax pour les anagrammes, son nom en est un.  Ce qui donne (SAINT/HOLY) MORT. Le mot moteur se trouve donc associé à mort. Parallèlement au cinéma, avec l'apparition du numérique, on ne dit plus "Moteur" mais "Action", car il n'y a plus d'imposante machinerie sur les tournages.

Monsieur Oscar (Denis Lavant) en ouvrier spécialisé en motion capture

Aussi il y a une séquence incroyable au début du film, où l'on voit Monsieur Oscar, dans le rôle d'un ouvrier spécialisé en motion capture - le pendant contemporain des chronophotographies de Marey - . Cette séquence donne l'occasion à un numéro burlesque à l'ère des jeux vidéos :  Carax mélange les anciennes formes, le burlesque, aux innovations scientifiques, la motion capture. D'ailleurs la motion capture c'est la possibilité de créer à partir du réel et via des capteurs, des images de synthèses, c'est la mort des « moteurs » - la caméra etc- en quelque sorte.

Si Carax fait le deuil d'un certain cinéma (notamment des références à Franju, Godard, Keaton ou Chaplin), c'est pour nous proposer une nouvelle forme de cinéma et c'est en cela que c'est un grand film : une pure innovation dans une cinématographie française sclérosée.

Note : Pour ceux qui n'ont pas vu le film, vous avez la chance de pouvoir le DECOUVRIR à l'occasion du festival télérama, du 16 au 22 janvier dans toute la France.  

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire