dimanche 14 avril 2013

L'Image : de Caspar Friedrich


1810, Caspar Friedrich, Abbaye dans une forêt de chênes (The Abbey in the Oakwood)


Paysage ouvert et désolé, ruines, couleurs toutes en nuances, atmosphères brumeuses, ce tableau est emblématique de l'oeuvre de Friedrich, lui même emblématique de la peinture romantique allemande du XIXème siècle.

"Vestiges d'une abbaye dans ce qui fut une forêt" serait un titre plus évocateur. Avec cette vie qui s'éteint et la puissance de la nature qui recouvre celle de l'homme, l'apocalypse n'est pas loin. Les frontières indistinctes ne laissent présager que des ténèbres, la lumière qui n'arrive pas à atteindre le sol traduit une lourdeur de l'air quasi-maléfique. Le ciel aux couleurs indéfinies renvoie à un autre monde, à un temps qui n'est pas le nôtre 

ou qui ne l'est plus.

L'Image clôt le thème Apocalypse.

jeudi 11 avril 2013

RAGE - Dans la famille post-apocalyptique : le jeu vidéo



Jeu sorti en 2011, Rage est un FPS (First Person Shooting) qui a renouvelé le genre, bien que passé relativement inaperçu à côté des grandes productions qui sortaient au même moment (notamment Battlefield 3).

Dans ce jeu, la Terre est devenue une sorte de western géant et futuriste, où les survivants sont réunis dans des villes miséreuses. Un gouvernement veille, mais ce sont plutôt les très nombreux bandits qui font la loi, ainsi que des mutants très dangereux sortis d'on ne sait où.
Vous, vous incarnez un humain très particulier puisque équipé d'un défibrillateur branché directement sur votre cœur, vous rendant beaucoup plus coriace. Mais aussi, inexplicablement, la cible de toutes les recherches du gouvernement.

L'ambiance de ce jeu vidéo est sont point fort incontestable. Le mélange de futuriste et de western est très réussi, et bien que le choix des armes soit très grand, vous opterez de plus en plus pour une arme bien plus archaïque mais beaucoup plus meurtrière que les autres : le wingsticks, un boomerang possédant trois branches aiguisées.
Rage peut séduire un public plus large que les gamers FPS, puisque son univers est très vaste et offre de multiples possibilités. Quêtes annexes, cartes dissimulées (jouables dans les bars, vraiment très sympa), courses explosives d'engins trafiqués, découverte de zones surprenantes, chutes de météorites, show de mutants...



Les 10 heures initiales du jeu peuvent être doublées voire triplées, sans se lasser des personnages rencontrés et des missions proposées, rivalisant entre elles de surprises, de frissons et d'action.

Bémol que je me dois de signaler : la fin. Elle laisse vraiment pantois, pas qu'elle soit mauvaise, mais... "radine". Je suis tombée par hasard sur un classement de jeuxvideo.com qui la signale comme la deuxième fin la plus décevante de tous les jeux vidéos.

C'est dommage, mais le jeu se recommence quand même avec beaucoup d'envie. Surtout qu'il existe quatre modes de difficulté : Facile (pour les débutants du FPS), Normal (les ennemis sont moins bêtes que dans la plupart des jeux vidéos), Difficile (les ennemis sont aussi malins et coriaces que vous, voire plus), Cauchemar (référez-vous à son nom, il est parfaitement évocateur).

Je conseille ce jeu à tous ceux qui sont découragés par le FPS en voyant les fous furieux de Call Of Duty ou Battlefield, il n'existe pas que ça ! Rage propose de l'action intelligente et une expérience de jeu très immersive. Alors maintenant, bon jeu !


Et on se retrouve bientôt, pour les survivants...

dimanche 31 mars 2013

Revolution, ou la vie après une coupure d'électricité à échelle planétaire



Après vous avoir parlé de The Walking Dead il y a quelques mois (l'article ici), je vais aujourd'hui vous parler d'une autre série télé, Revolution. Une série post-apocalyptique. L'idée de base est celle-ci : tout va bien sur terre jusqu'au moment où une espèce de coupure de courant géante se produit. Genre grosse coupure. Genre d'un coup la terre s'éteint, les voitures arrêtent de fonctionner, tout le monde est désarmé. 

La série nous emmène alors 15 ans plus tard - toujours pas de courant - dans un monde où les gens ont appris à survivre autrement. Tout n'est cependant pas tout rose, comme toujours certains ont voulu s'imposer, plus ou moins par la force, et c'est un gouvernement militaire qui a alors le pouvoir, avec à sa tête un homme qui veut tout faire pour réactiver le courant et dominer encore plus le monde. 


Un jour, dans une petite communauté, à la campagne, la milice arrive pour embarquer un homme qui pourrait avoir une idée de comment faire revenir le courant. Mais tout ne se passe pas comme prévu, son fils est embarqué à sa place, et, mourant, le père va dire à sa fille que son oncle pourra l'aider à le retrouver. L'héroïne Charlie part alors à la recherche de son oncle, Miles (le très bon Billy Burke). 


S'ensuivent leurs aventures. Honnêtement j'aime bien. Le scénario est plutôt bien ficelé, les infos données au spectateur pour expliquer "la panne" sont diffusées au compte-goutte, on est maintenus en haleine. Et puis niveau paysages, c'est assez drôle : on n'est pas dans un type de paysage post-apo classique, où tout serait dévasté, mais plus dans un monde avec une nature belle qui aurait pris le dessus. Par exemple, c'est tout bête, mais il ne pleut jamais, dans cette série, j'ai l'impression, il fait toujours beau, grand soleil, végétation luxuriante et tout et tout. Ça fait un peu fake, mais on aime ça ! Et puis on retrouve dans cette série Giancarlo Esposito, que j'avais découvert dans soin rôle de Gus dans Breaking Bad, et il faut avouer qu'il remplit son rôle de méchant à merveille.

Je dirais donc que sans être une série d'exception, elle se laisse regarder et apprécier, on s'y prend assez vite. Du classique, sans trop d'originalités, mais du classique bien. Et ça me va.




Revolution, série créée par Eric Kripke (2012). Saison 1 actuellement en cours de diffusion aux États-Unis sur NBC.


Images : Google

samedi 16 mars 2013

TABOU


TABOU. Parler du suicide
Dernièrement, la projection de ce film réalisé par la jeune Orane Burri m’a marquée (dans le cadre de la journée pour la prévention du suicide, organisée par SOS amitié). Il porte sur un sujet délicat, très fort, qui m’apparaît aujourd’hui comme approprié pour le thème de ce mois. Il apporte à mes yeux une réflexion essentielle sur la vie. C’est également un rappel de l’existence de ces âmes esseulées, démunies face à certaines difficultés, qui ne demandent alors qu’un peu d’aide. Ces personnes fragiles sont sur le fil, et manquent de confiance Et ce manque est amplifié par un très fort besoin d’attention.

Thomas, 22 ans, est arrivé à un moment de sa vie où rien ne va, où les certitudes s’effondrent. Pendant que d’autres construisent leur vie, sans lui,  la solitude l’enveloppe et le torture. Cinéaste amateur, il va décider de se filmer régulièrement, seul dans sa chambre, en confiant ses sentiments à la caméra, en vue de réaliser sa triste œuvre ultime. Ainsi une complaisance dans le malheur lui donne une certaine importance. Il s’efforce alors de vivre encore un peu pour mieux mourir aux yeux des autres… pour son dernier moment de « gloire ». C’est l’idée d’œuvre qui apparaît dans la mise à mort organisée de Thomas : œuvre de sa propre mise à mort. Thomas est confronté à l’apocalypse du ressenti de sa vie, et l’acte du suicide apparaît comme l’unique et dernier moment de sortir de cette vie invivable, afin d’aller vers un meilleur, une renaissance, car rien ne pourra être pire que l’actuel présent…

Pour que les choses soient plus claires, cette vidéo rappelle les débats autour de Tabou et nous éclaire sur le sens qu’a voulu donner la réalisatrice à son film. Cette vidéo est un extrait d’une soirée télévisée spéciale sur la chaîne suisse TSR.  



 

Bouleversement à la limite du traumatisme, il faut s’accrocher dans la projection, car ce n’est malheureusement pas une fiction que l’on regarde. Nous sommes projetés dans le réel, dans la vie de ce jeune homme, au cœur d’une sorte de journal intime. Nous devenons les spectateurs de son désespoir et de son déclin, de son tiraillement entre la fascination de la mort et son aspiration à survivre malgré tout. Il s’agit d’un des films les plus durs que j’ai vu, du fait de sa réalité, mais aussi parce que certains problèmes qu’évoquent Thomas peuvent nous rappeler nos propres moments de doutes, de tristesse, nos propres faiblesses. Si nous avons, nous, réussi à les surpasser, Thomas lui n’en a pas eu la force, ou les moyens. Sûrement n’y croyait-il pas vraiment.

C’est aussi notre impuissance à agir qui nous bouscule : nous sommes spectateurs de l’intimité la plus profonde de Thomas, à la place de sa caméra, auditeurs de ses pensées, et nous avons envie d’agir, de l’aider (on oublie que nous sommes au cinéma, face à un écran et à des faits passés). Nous prenons alors conscience que nous ne sommes pas plus puissants que la famille de Thomas ou ses proches, qui ne savent rien de ses pensées, qui seront face au fait accompli et à l’irrémédiable. Ils seront surpris et se diront « pourquoi il ne m’a rien dit ? » et surtout : « pourquoi n’ai-je rien vu ? ».

C’est du manque d’amour que la fin de Thomas commence, de la rencontre avec cette jeune fille (la cinéaste Orane Burri elle-même). Thomas s’enflamme et brûle d’espérance, et celle-ci, comme souvent est déçue. Parce qu’il est déjà dans un état d’esprit dépressif, celui-ci sombre. Il s’isole, voit moins ses amis, et commence à ne penser qu’à son grand projet, seul évènement qui lui apparaît alors comme positif, parce qu’à ce moment là, il sera le centre de l’attention.

Il est difficile de se mettre à la place de cette jeune cinéaste, personnage discrète dans ce film, mais pour autant essentielle. Comment gérer son éventuel sentiment de culpabilité ? Comment ne pas remettre en question ces actes passés ? Et surtout, comment avancer ? Celle-ci a décidé, par respect et amitié entre autres, de faire se réaliser l’ultime souhait de Thomas en montant ce film. En y liant les témoignages de ses amis les plus proches et de sa famille, la cinéaste cherche alors de chercher d’éventuelles réponses aux questions que tout le monde se pose dans une telle situation.

Cependant la projection de cette soirée spéciale « Briser le tabou du suicide » sur la Tsr ne s’est pas déroulée sans polémique. En effet, un magazine nommé Le Temps dénonce la spécificité de la personnalité de Thomas « Par son narcissisme exacerbé, son égoïsme, son égotisme et sa froideur distante, le témoignage de Thomas agace le spectateur davantage qu’il ne le touche ». Pauline Borsinger, président de l’Association Stop-Suicide pense que l’histoire de Thomas ne colle peut être pas au mieux avec l’objet du film, c’est-à-dire ouvrir le débat sur le suicide qui touche beaucoup trop de jeunes et surtout servir à la prévention.  « Ce film ne pourra pas servir à la prévention car il présente une démarche très élitiste et très romantique du suicide. » Selon ces dires, parce que Thomas aurait choisit de montrer son mal-être et de le filmer, il ne serait donc pas en conformité avec l’état des suicidaires qui eux évitent pudiquement toute caméra. J’ai même lu certaines réactions énonçant qu’avoir fait un film parlant du suicide avec une personne comme Thomas était scandaleux, parce que Thomas avait tout pour être heureux et vivait dans une condition sociale très satisfaisante comparé à d’autres pour qui « le suicide serait plus justifié ». C’est oublier que le suicide est un mal qui touche chaque personne, que l’argent ne fait pas forcément le bonheur, et surtout que chacun réagit différement selon sa sensibilité face aux situations que nous offre la vie. On ne peut dénier la véracité de la souffrance de Thomas. Chaque être est spécifique et ses souffrances réelles. Le film en est évidemment un témoignage.

Pour moi, le moment le plus dur du film a été  lorsque le moment programmé pour passer à l’acte arrive. La cinéaste a eu le bon sens de ne pas sélectionner les dernières vidéos pour son film. Le visionnage de sa lente agonie n’aurait été que supplice pour le spectateur, tout en exacerbant le caractère de voyeurisme. Ce qui m’a frappé a été le fait que Thomas, si décidé et longuement préparé à sa mort, se voit entièrement démuni lors de son passage à l’acte. Il a envoyé ses lettres d’adieu et ne peut faire marche arrière. Mais cela se voit, il  n’en a plus envie. Il désire tellement qu’on le sauve. On se dit alors qu’il y a peut être une différence entre « vouloir se tuer » et « vouloir mourir ». La volonté de se tuer sous entendant l’envie d’une réaction de la part des autres, comme si on isolait l’acte de ses conséquences, et qu’en agissant on ne se projetait pas dans l’après, dans la mort, comme si après on serait toujours vivant mais que notre entourage aurait pris conscience de notre désespoir. La volonté de mourir inclut elle la disparition totale de l’être…C’est un constat déchirant, c’est se dire que les personnes qui mettent fin à leur vie, dans un contexte similaire à celui de Thomas ne recherchent que de l’aide, d’un plan Y à la place de ce plan Z  pour apaiser leurs souffrances.

En cela réside le principal constat que le peut se faire à la fin du visionnage de ce film : la force salvatrice de la parole. Il faut parler des fortes tristesses qui nous tourmentent et qui nous rendent cette vie impossible. Il ne faut pas faire de l’histoire de Thomas le cas-type du jeune adolescent qui met fin à ces jours puisque chaque suicide est différent. Seulement c’est tout de même une conclusion que l’on peut se faire : les personnes qui passent à l’acte le font justement parce qu’ils n’ont plus aucune autre alternative. Les associations de prévention contre le suicide comme SOS Amitié prennent ici toute leur force. Il est essentiel de les faire connaître à ces personnes en difficulté. Celles-ci constituent cette alternative tant désirée, qui permettra alors il faut l’espèrer, de constituer l’aide dont ces personnes en difficulté recherchent désespérement. Ceux-ci pourront alors entrevoir la possibilité d'avancer dans la vie, à la place de capituler face à l’apocalypse de leur actuelle condition.

Liens sur la prévention :



 

dimanche 3 mars 2013

L'Accent sur...

APOCALYPSE. Je sens déjà les commentaires : "mais la fin du monde c'était prévu pour décembre dernier, vous êtes un peu en retard pour nous parler de ça maintenant, sur le Kulturrama! " Et pourtant, nous allons le faire, parce que comme dirait l'autre, nous ne sommes pas à l'abri d'une nouvelle annonce d'apocalypse dans les temps à venir, n'est-ce pas?

L'Apocalypse renvoie avant tout au dernier livre de la Bible chrétienne, qui la clôture, écrit par Saint Jean, livre dans lequel est décrit le monde qui se délite avant l'instauration du Royaume de Dieu, un monde humain donc qui s'efface pour laisser place à un monde divin nécessairement meilleur. Il y a donc, dans ce mot d'apocalypse, cette notion que c'est l'effacement de quelque chose devant quelque chose d'autre, qui va se découvrir. Étymologiquement d'ailleurs, le mot apocalypse lui-même vient du grec, avec des mots comme apokalupsis (qui signifie révélation), ou encore apokaluptein (découvrir, dévoiler). C'est donc l'idée qu'on va lever le voile sur quelque chose d'inconnu, quelque chose de caché (kaluptein). L'Apocalypse en ce sens, finalement, ne serait pas forcément quelque chose de négatif, puisqu'il y aurait une espérance de mieux après.

Mais le deuxième sens du mot apocalypse c'est celui, couramment utilisé, de fin du monde. Et beaucoup d'artistes, d'écrivains, ont travaillé sur cette notion, souvent en faisant de l'apocalypse, de la fin du monde, la fin de tout. Je m'explique : après l'apocalypse que reste-t'il ? Pas grand chose, en tous cas pas grand chose de bon. On est là dans une idée négative de l'apocalypse, il n'y a pas d'espérance d'un monde meilleur. Je pense à des oeuvres comme La Route, livre de Cormac McCarthy adapté au cinéma par John Hillcoat, je pense à beaucoup de livres d'anticipation, je pense à un certain nombre de séries TV d'aujourd'hui où un événement (une panne générale d'électricité dans Révolution ou une mystérieuse épidémie dans The Walking Dead) fait basculer le monde dans le chaos. 

Et puis je terminerai sur le double visage de l'apocalypse. En effet, un sentiment m'envahit quand je regarde des paysages de ruines, de Piranèse par exemple au 18e siècle : rien n'est réel dans ses gravures, les paysages qu'il y montre sont à la fois terrifiants et fascinants, ce de par leur grandeur. Je crois donc que quelque chose d'apocalyptique, notamment un paysage, est d'une beauté sans pareille, car à la fois grandiose et effrayant.

Nous allons donc essayer de trouver ce mois ci de quoi vous donner un aperçu de ce qui, pour nous, est apocalypse. En espérant que celle-ci ne se produira pas encore, histoire qu'on puisse se retrouver le mois prochain après avoir traversé le mois ténébreux qui nous attend...!

lundi 25 février 2013

L'Image : Anastasia

Anastasia vers 1914

Pour l'image du mois, j'ai choisi un portrait photographique d'Anastasia Nikolaena. Je ne connais pas le photographe, mais ça n'a pas d'importance puisque j'ai décidé de vous parler de l'histoire du sujet de la photo plutôt que de sa forme. Notre thème du mois est « Mémoire » et j'ai trouvé assez approprié de vous parler de la mystérieuse Anastasia Nikolaevna. Anastasia est la fille du tsar Nicolas II, j'ai découvert son histoire – post mortem - , il y a peu de temps. Beaucoup la connaissent surement déjà, avec le fameux film de Disney Anastasia, même si c'est une adaptation très libre de sa vie. Bref moi je vais vous parler rapidement de la vraie Anastasia, en suivant en filigrane notre thème du mois « mémoire ». En mêlant l'histoire à une question plus existentielle, « le devenir autre ».

  Février 1917 c'est la révolution en Russie, le régime tsariste est renversé, la famille du tsar est emprisonnée. Après avoir était dans plusieurs lieux de détention, la famille est enfermée à Lekaterinbourg dans un endroit appelée « La Maison à Destination Spéciale ». En juillet 1918 suite au renforcement de la contre armée rouge – l'armée blanche – les bolchéviques entraînés par Lénine décident d'exécuter la famille tsariste. Disons que l'aspect plus rocambolesque de l'histoire d'Anastasia commence là. Puisque qu'un mystère persiste : personne n'a jamais retrouvé son corps. Elle aurait donc survécu ? C'est à partir de ce mystère que naît plusieurs spéculations. Une a principalement intéressée les historiens et les artistes. La piste Anna Anderson. Parlons en.

  Anna Anderson, c'est cette fille qui se fit passer pour Anastasia. En 1920, Anna tente de se suicider, elle s'en sort mais est retrouvée sans ses papiers, et muette. Impossible de savoir qui elle est. Elle atterrit dans un hôpital psychiatrique et se retrouve à partager une chambre avec une ancienne couturière russe. Un jour cette dernière dit à Anna « je sais qui tu es » en lui montrant une photo d'Anastasia, Anna répond « tais-toi! ». De fil en aiguille, la rumeur va s'étendre et des proches de la famille tsariste vont la reconnaître – ou pas –. En même temps Anna commence à se persuader d'être Anastasia, jusqu'à devenir complètement elle. L'affaire va de rebondissement en rebondissement jusqu'à un scandale politique. Beaucoup commencent à douter de son identité, d'autres y croient dur comme fer... En tout cas Anna s'est prise au jeu et ça, jusqu'à la fin de sa vie. Elle est maintenant enterrée aux Etats-Unis sous le nom " Son Altesse Impériale, Anastasia de Russie".

   Moi ce qui m'intéresse surtout, c'est de savoir si elle était vraiment amnésique ou si elle a volontairement fait une croix sur son passé pour oublier une vie difficile. Dans les deux cas Anna à la fin, s'est oubliée complètement pour devenir Anastasia. Folie? En tout cas folie sublime, pouvoir s'oublier pour devenir quelqu'un d'autre, vivre plusieurs vies, oublier le malheur et avoir une nouvelle chance. Cesser d'être pour devenir autre : C'est un suicide symbolique, un suicide de la mémoire.

+Pour en revenir à la photo, je ne l'ai pas choisi pour rien. En effet Anastasia est dans une forêt hors elle a été exécutée dans une forêt. Et surtout, elle ressemble à un spectre, ce qui laisse présager du futur mystère autour de sa mort : morte-vivante?

dimanche 24 février 2013

Kabinet de Kuriosité #4 : Leiji Matsumoto

Au début du mois, pour le 40ème festival de la BD à Angoulême, Leiji Matsumoto a été mis à l'honneur.
Le 1er février, il est donc venu à Angoulême pour y rencontrer ses admirateurs.
Ses dessins animés ont été projetés durant le festival, notamment tous les épisodes d'Albator durant quatorze heures d'affilées.


Leiji Matsumoto ?
Il a fait rêver enfants ceux qui ont aujourd'hui plus de trente ans avec le capitaine Albator ou Galaxy Express 999...
Pour en savoir plus sur l'évènement ou sur L. Matsumoto, je vous conseille ce lien.

Cet hommage à un monument des dessins animés d'enfance me semblait pertinent pour notre mois sur la Mémoire...

Mais la véritable Kuriosité n'est pas tournée vers le passé mais vers le futur.
En effet, Albator n'a pas dit son dernier mot, et les fans émerveillés ont pu assister à plusieurs minutes en exclusivité d'un tout nouveau film qui sortira à la fin de l'année au Japon...

Sur internet, vous ne pourrez voir que la bande-annonce, mais c'est déjà un régal pour les yeux :




image : Toei Animation

mercredi 20 février 2013

La Page Blanche, récit d'une perte de mémoire, par Pénélope Bagieu et Boulet



Pénélope Bagieu, je pense que vous en avez déjà tous plus ou moins entendu parler. Blogueuse qui a ensuite sorti un premier livre, puis deux, puis trois, et enfin ce 6e, en collaboration avec Boulet, autre famous blogueur, qui scénarise l'histoire. Ils signent ensemble un album de BD, sorti en janvier 2012, qui n'a pas fait l'unanimité de la critique, mais qui pour ma part m'a bien plu.

Le livre s'ouvre sur l'image d'une jeune femme qui se réveille sur un banc public à Montgallet, qui ne se rappelle plus de rien. Pourquoi elle est là, c'est une chose, mais plus que là, elle n'a aucun souvenir de ce qu'elle est. Ni son nom, ni son âge, ni son adresse, ni son travail, ni ses amis, ni ses parents. Rien. Trou noir. Elle a perdu la mémoire. À partir de là, voilà notre héroïne, qui en regardant ses papiers d'identité, en a déduit son nom, Éloïse, qui rentre à son appart à l'adresse indiquée dans ses papiers toujours.





Les 200 pages de ce roman graphique nous entraînent dans l'épopée d'Éloïse Pinson qui va essayer de retrouver la mémoire. Pour cela, elle épluche ses tickets de caisse, elle va essayer de parler avec une collègue de boulot, elle retourne là où tout a commencé, sur ce banc à Montgallet, elle va voir des médecins... Mais rien n'y fait, la pauvre Éloïse a beau s'impliquer à fond, rien ne rejaillit. Mais par contre, on ne peut pas dire que son imagination ait été, elle, réduite à néant. En effet, les auteurs nous offrent des moments de délire total, je pense au moment où l'héroïne s'apprête à entrer dans son appart pour la première fois, par exemple : que va-t-elle y trouver? Un copain inquiet, un cadavre, que sais-je? Ou encore des inquiétudes par rapport à ce mal étrange qui la ronge. Et si elle revenait d'un voyage dans un pays tropical et qu'elle s'était faite piquer par une araignée très spéciale, et qu'elle avait contracté une maladie incurable? Et j'en passe et des meilleurs.

Si ce premier côté délirant m'a beaucoup plu, un autre aspect du livre m'a bien fait rire. Éloïse travaille chez Grambert, une grande surface culturelle type Fnac ou Virgin. Là, comme conseillère dans le rayon librairie, elle en voit passer du monde, des clients qui viennent demander conseil pour des livres. Là aussi, très grand assortiment de personnes: celui qui cherche un livre pour son petit-fils qui n'aime pas lire, celui qui cherche un bouquin de droit, et puis ceux qui sont nombreux, qui demandent à tour de bras "Vous avez le nouveau Marc Levy?". Très drôle, parce que très vrai. 


Le scénario est donc je trouve très sympathique, entraînant, des moments de délire, des moments de suspense, de l'entrain... Même si un fin à mon avis pas à la hauteur du reste de l'ouvrage, ce qui est bien dommage. On reste un peu sur notre faim. Le dessin, maintenant. J'aime beaucoup le trait de Pénélope Bagieu, depuis longtemps, c'est très agréable à lire à mon goût. Je comprends cependant que certains ne lui trouvent rien d'exceptionnel, rien d'exceptionnel c'est vrai dans le trait, dans la couleur, dans les textures, mais cela permet de faire passer certaines choses qu'un dessin trop sérieux ne permettrait pas. 

En bref, je dirais que ce livre, cette quête de la mémoire par une personne lambda, cette reconquête de soi, est un projet plutôt réussi. Mise à part cette fin qui je vous ai dit ne me semble pas tout à fait à la hauteur du reste, on prend beaucoup de plaisir à lire ce livre. Je recommande vraiment.



Pour finir, deux ou trois liens utiles : le blog de Pénélope ici (plus trop actualisé ces temps ci), celui de Boulet , et enfin ici une interview des deux auteurs à propos de la BD. Sinon c'est pour lire le premier chapitre du livre gratuitement.



Images : Google.

dimanche 17 février 2013

Nous ne sommes pas les derniers - Zoran Music


ZORAN MUSIC (1909-2005)
 Au plus profond des abysses

«Sur le moment, j'ai dessiné ce que j'ai vu. Puis j'ai cherché à oublier ce que j'avais vu. Mais, en dessous, ça travaillait.»
 
 

Devant cette peinture issue de la série « Nous ne sommes pas les derniers » au Musée des beaux Arts de Dijon, j’ai été immédiatement captivée, paralysée, bouleversée mais surtout intriguée par le titre. Nous ne sommes pas les derniers. L'obsession de sa compréhension me prit alors.  Pourquoi ce regard d’effroi, de profonde souffrance ? Au final, lorsque j’ai appris l’histoire de Zoran Music et son œuvre, je ne l’ai plus jamais oubliée.

La Shoah. Le sujet est irréel dans l’horreur. Les témoignages des victimes de l’histoire, qu’ils soient littéraires ou picturaux, sont d’une importance indéniable. Avec ses dessins morbides d’hommes criant une souffrance indicible, Zoran Music porte une réflexion sur l’homme, questionne sa nature profonde, et remet en causes ses actes. En effet, lorsqu’on a vécu et survécu aux camps de concentration, comment continuer à croire en la nature humaine ?

Z.Music a connu un enfer bien réel : le camp de concentration de Dachau. Dans celui-ci, il dessine, acte constituant l’unique moyen de se sentir encore homme, et ceci au péril de sa vie.  C’est une trentaine d’années plus tard qu’il reviendra dans son art sur cette partie de son existence, ceci pour exprimer sa réflexion sur l’homme et les atrocités dont il est capable. Un témoignage poignant. La mise en image d’une histoire qui dérange mais qu’il ne faut pas oublier. Répéter cet épisode de l’histoire ? Jamais. Et pourtant… « ils n’étaient pas les derniers ».

Auschwitz, peu de temps avant la libération du camp. Un détenu, prêt à être pendu, crie « Camarades, je suis le dernier ». Cet évènement est également raconté dans « Si c’est un Homme » de Primo Levi, et je me rappelle d’ailleurs les frissons ressentis durant la lecture… Z.Music, lui, est à Dachau.

« Dans les camps de Dachau, entre nous, nous formulions une conviction : « Jamais plus une chose pareille ne se répétera. » Vingt cinq ans plus tard, aujourd'hui même, l'histoire et l'actualité démentent notre souhait. D'où le titre de cette série. »

C’est dans les années 70 que Zoran Music répond à ce détenu prêt à être pendu, avec sa série de peintures sous le titre «Nous ne sommes pas les derniers ». Son regard distancié sur l’atrocité de la Shoah porte un triste constat. Non l’extermination d’hommes par d’autres hommes n’a pas cessée. Non la solution finale n’a pas été l’ultime fois où l’homme a considéré qu’il était légitime d’en tuer d’autres, pour des motifs tels que les croyances religieuses ou politiques.

« L'énormité des camps et ce qui s'y déroulait n'est pas mesurable. L'insoutenable, je l'ai vécu, il m'est apparu bénéfique ultérieurement. Avec du recul, il me semble que cet accident date d'un siècle, tout comme d'hier. En fait, c'est le caractère omniprésent d'un événement qui finit par être positif, nous incitant à une réflexion active. »

(propos recueillis par Vanessa Delouya pour les Etats généraux de la psychanalyse)

Ces évènements gardés en mémoire ont pu voir s’accomplir la lourde tâche qui leur était liée et qui incombait au peintre : faire éclore cette mémoire par sa transmission aux autres, afin qu’elle soit fertile. Réussir à faire naître une réflexion métaphysique, d’une expérience vécue, indicible et puissante, là réside la force et la grandeur de l’homme qu’a été Zoran Music.
 
 
  

vendredi 15 février 2013

The Carrie Diaries, une nouvelle série en mémoire de Sex And The City


"Before there was sex, before there was the city, there was just me, Carrie." 


Le ton est donné, dans cette première phrase qui ouvre chaque épisode de The Carrie Diaries. En effet, The Carrie Diaries, dont la diffusion a démarré il y a maintenant un bon mois aux États-Unis sur The CW, est une série qui se veut être une préquelle à Sex And The City, la série cultissime qui mettait en scène à la fin des années 1990 / début des années 2000 quatre new-yorkaises trentenaires, les célèbres Carrie, Samantha, Charlotte et Miranda. Une série en mémoire d'une autre série, donc.

Avec cette nouvelle série encore inédite en France, on retrouve Carrie, certes, mais nulle part trace des trois autres filles. Normal. Carrie a 16 ans, elle est au lycée, elle habite avec son père et sa soeur (sa mère vient de mourir) dans le Connecticut, on est en 1984. C'est donc l'histoire de little Carrie, qui partage sa vie entre le lycée, avec ses amis et son boyfriend, et New York, où elle travaille comme stagiaire dans un cabinet d'avocats quelques heures dans la semaine, et où elle va faire la rencontre de plein de gens trop cool.


Honnêtement, j'appréhendais un peu The Carrie Diaries. La peur d'être déçue, parce que finalement je ne conçois pas qu'on puisse faire mieux que SATC. Finalement, j'ai été très agréablement surprise par ce début de première saison. Je trouve que la créatrice, Amy Harris, a fait du très bon boulot. Je m'explique. Au premier abord, on a l'impression d'une série pour ados, avec des filles de 16 ans qui parlent en cours en regardant le beau gosse qui vient d'arriver au lycée à la rentrée, ça drague autour des casiers, ce genre de choses... D'ailleurs sur ce premier plan de série teen, il n'y a rien à redire. Ainsi, on ne retrouvera pas dans cette série le type de langage qui avait participé au succès de SATC. La série reste dans les clous, pas de grossièretés, pas le langage parfois cru des quatre héroïnes que l'on connaît bien.


Là où la série est intéressante, je trouve, c'est quand on voit tous les clins d'oeil qui sont faits à Sex And The City, un peu partout. Ça commence par ce point de vue interne, cette narration par Carrie, héroïne, qui a troqué sa chronique journalistique de SATC pour un journal intime. Ça continue par des sessions on discute autour d'un morceau de gâteau au dinner du coin, on parle de mecs, de mode, de la vie. Cette nouvelle Carrie (la très bonne Anna Sophia Robb) reprend un peu les expressions, les démarches, de son aînée Sarah Jessica Parker. La manière de filmer est elle aussi un hommage à SATC, je pense à certains de ces plans qui closent les épisodes par une image de Carrie, à travers sa fenêtre, attablée, à écrire son journal. Enfin la mode. Carrie a déjà un attrait fou pour la mode, dans le pilote elle customise un sac, et à 16 ans est déjà folle de chaussures, de robes, elle a déjà un dressing bien rempli...


The Carrie Diaries, c'est je trouve une série très agréable, qui bien que différente de SATC de par son public, ado plus qu'adulte, rend un bel hommage à son aînée par divers renvois et clins d'oeil. En bref, un bel hommage à la plus mythique des séries pour filles.


The Carrie Diaries, 2013,  série créée par Amy Harris. Site officiel.

Images : Google

jeudi 7 février 2013

Théâtre : L'amante anglaise, folie et mémoire d'un amour.


L’Amante Anglaise
Questionner la folie.  ­­­


 

Acteurs : Laurence Boyenval, Sylvain Marmorat, Christian Fregnet

Le 1er février dernier a eu lieu à Dijon la représentation de « L’Amante anglaise » de Marguerite Duras, par la Compagnie « Le Rocher des Doms », mise en scène par Sylvain Marmorat. On peut relever que la mise en scène a été élaborée sous les conseils avisés de Michael Lonsdale, acteur historique de la pièce. En effet, il a interprété le rôle de l’interrogateur pour la première fois dans une mise en scène de Claude Régy en 1968.

A la fin des années 40, une femme, Claire Lannes, tue son mari et découpe le cadavre en morceaux qu’elle disperse par la suite. De ce fait divers naîtra de la plume de Marguerite Duras le roman L’Amante anglaise, adapté par la suite pour le théâtre.

 
Dans le roman de Marguerite Duras, quelques éléments changent de la réalité des faits. En effet, Claire Lannes n’assassine plus son mari mais une cousine, sourde et muette, qui vit chez le couple. Elle découpe le cadavre dont elle jette les morceaux dans des trains de marchandises du haut d’un viaduc. La tête du cadavre reste introuvable… Recherchée, facilement arrêtée, Claire reste incapable d’expliquer la raison de son crime.

La pièce met en scène l’interrogatoire du mari, puis de sa femme. L’interrogateur est le troisième personnage, dont on ne sait pas grand-chose, à part sa volonté de comprendre Claire. Ni juge ni policier, il s’apparente davantage à un psychologue ou à un journaliste, ayant pour tâche de délivrer la meurtrière de ses maux par le biais de la parole.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                 

« Je cherche qui est cette femme, Claire Lannes.

Claire Lannes a commis un crime.

Elle ne donne aucune raison à ce crime.

Alors, je cherche pour elle. »

 

Un passé où l’on a laissé la vie

Un présent pour sombrer dans la folie

Cinquantenaire sans enfant ni profession, Claire est mariée depuis 20 ans avec Pierre, mari absent. Celle-ci en vérité vit dans le regret d’un amour passé et révolu. Avec lui elle avait vécu pleinement, et la perte de ces sentiments passionnés et de cette exaltation ressentis l’accompagne à chaque instant.  Claire souhaite retrouver ce bonheur, et de ce fait est incapable de se conforter de cette vie qui lui reste, construite avec son mari actuel.  

Ce besoin d’être aimé de nouveau s’accompagne d’un renfermement sur soi et d’une communication entravée. Son mari, pourtant bien conscient du malaise installé, ne fait pas grand-chose pour y remédier ce qui conforte alors Claire dans sa solitude. Le principe selon lequel personne ne peut comprendre Claire devient une vérité pour chacun des personnages, seul l’interrogateur se bât toujours pour essayer de la comprendre.

Le quotidien de cette femme se compose alors de journées et de nuits passées sur un banc dans le jardin. Sans personne pour la déranger, sans les regards de sa cousine ou l’odeur dérangeante de sa cuisine, sans le silence pesant de son mari complétant le sien. Ainsi c’est dans cette solitude intense dans le jardin que Claire peut se sentir paisible, parce qu’elle pense à son passé et qu’elle communique alors avec elle-même, à défaut de pouvoir communiquer avec les autres. Cependant, dire qu’elle se satisfait de ce quotidien serait une conclusion hâtive. A un moment, celle-ci déclare se sentir morte depuis qu’elle habite avec son mari, dans cette maison. Alors, pour elle, vivre ainsi est-ce vraiment vivre?

L’interrogatoire du mari, ouvrant la pièce, est très important. Marguerite Duras, en parlant de celui-ci, écrit qu’ « il était aussi sourd et muet que la victime : c’est la petite bourgeoisie française, morte vive dès qu’elle est en âge de penser, tuée par l’héritage ancestral du formalisme. »  Ainsi, Pierre Lannes est aussi sourd et muet que la victime. « Il ne s’est jamais réveillé » dit de son côté sa femme.  C’est seulement par le biais de cet entretien avec l’interrogateur que Pierre Lannes comprendra que c’est lui seul que sa femme aurait dû tuer. L’horreur apparaît alors : cette révélation lui fait prendre conscience de toute son impuissance, mais également de sa culpabilité dans ses évènements. C’est la pensée du crime, de l’acte de tuer, comme l’idée que l’on tue lentement la personne avec laquelle on vit dans un quotidien fermé, à l’intérieur duquel on se tue également soi-même tous les jours. Alors la tragédie émerge de l’horreur, fondant la force de ce drame.

L’actrice (Laurence Boyenval) rend le personnage de Claire poignante, juste, touchante et insaisissable à la fois. Piégée dans ce qu’elle ne peut expliquer, épuisée de ne pas comprendre ses agissements, celle-ci est en réalité poussée par une folie qu’elle finit par reconnaître.

Vivre dans la mémoire du temps où l’on a été aimée

Claire est en demande d’amour, d’attention, qu’elle n’arrive pas à exprimer. Elle souhaite retrouvée l’amour perdu, immortalisé en sa mémoire pour ne plus jamais la quitter. De ce fait, cloîtrée dans sa solitude, hantée par ses souvenirs, tout se mélange : ses pensées sont emprisonnées d’après elle, et n’arrivent plus à sortir. Tout ce qu’elle ne supporte pas alors chez les personnes avec qui elle vit restent des non dis… qui la torturent. Comment gérer cela ? En définitive, Claire est un être humain qui frise sans s’en douter la folie, qui mélange la folie et l’amour, l’amour qu’elle a eu dans sa vie, qu’elle est prête à avoir encore maintenant. Déconnectée de la réalité Claire finira alors par commettre le meurtre, fatal. Et un mystère certain demeure.

        « La folie exerce sur moi une séduction, c’est à l’heure actuelle le seul véritable élargissement de la personne, dans le monde de la folie, il n’y a rien, ni bêtise, ni intelligence, c’est la fin du manichéisme, de la responsabilité, de la culpabilité. Claire Lannes a derrière elle ce qui a donné de l’importance à sa vie : l’amour. Son centre de gravité s’est déplacé, il est d’habitude en avant de nous dans l’avenir, chez elle il est dans le passé alors c’est merveilleux Marguerite Duras

Avec la force des mots de son auteur, cette pièce nous entraîne dans une tentative d’analyse du comportement d’êtres insaisissables. L’œuvre devient alors une quête de l’intime humain, quête de la vérité des êtres seuls et fous, de leurs souffrances, de leur étrangeté et surtout, de leur besoin d’amour.

 

mercredi 6 février 2013

L'Accent sur...

MÉMOIRE. Encore un mot porteur de plusieurs sens. La mémoire, qu'est-ce donc? À la fois un phénomène psychique et biologique qui nous permet d'accumuler des informations dans un coin de notre cerveau, mais aussi tous les sens dérivés de ce phénomène scientifique. 

On parle de mémoire dans un certain nombre d'expressions, comme celle ci : "Perdre la mémoire". Ne plus se souvenir de rien, avoir oublié tout un ensemble d'éléments constitutifs de notre personne, des choses qu'on a vécu... En effet, que sommes-nous sans notre mémoire? Sans plus aucun souvenir de notre passé, il me semble qu'il nous serait très difficile de vivre. La mémoire, c'est une partie de nous, elle nous aide à nous construire. Passé personnel, nos souvenirs à nous, mais aussi passé universel, ce qu'on appelle aujourd'hui la mémoire d'un peuple, d'une civilisation, le devoir de mémoire que nous nous devons d'entretenir... 

Cinéastes, photographes, écrivains, peu importe, beaucoup ont travaillé sur ce thème, c'est l'occasion ce mois ci de vous présenter notre sélection! Et souvenez-vous : si votre mémoire est bonne, vous penserez à venir régulièrement sur le Kulturrama...!