dimanche 4 décembre 2011

En Asie avec les marionnettes de Pitoiset et la lady de Besson


Le Maître des Marionnettes, une vision du Viêt Nam par Dominique Pitoiset




« Alors j'ai voulu dériver, flotter entre deux eaux, naviguer sans perdre mon ancre...
Rester à l'écart, comme pour ouvrir d'autres voies possibles,
et y passer du temps.
Se fondre dans l'instant, faire place à l'inattendu et en apprécier le poème.
Ralentir. Laisser faire. Lâcher prise.
Laisser remonter des voix anciennes, me mettre à leur écoute.
Suivre l'eau.
Alors des mots ont ressurgi, comme des profondeurs... »
Dominique Pitoiset

Cet extrait est là pour vous faire comprendre l'état d'esprit du metteur en scène, de ne pas être surpris voire déçus en allant voir ce spectacle. Il ne s'agit pas des marionnettes d'ici, ni d'un conte d'ailleurs.
Des vidéos nous font découvrir ce pays : des villes qui se créent aux paysages inviolés. Un chant nous berce de phrases sibyllines, de notes qui nous envoient là-bas, très loin, en Asie. Les marionnettistes, plongés jusqu'à la taille dans l'eau, font voguer les poissons aux couleurs chatoyantes, les dragons qui crachent le feu et l'eau, les pêcheurs qui ne font pas le poids face à cette majesté.

Lorsque trois bouddhas qui semblaient réellement de pierre se sont lentement avancés sur la surface de l'eau, quelques enfants se sont exclamés, surpris et émerveillés. Pendant que d'autres dormaient... comme une partie non négligeable du public !
Il faut accepter de se plonger (pour ainsi dire) dans une contemplation un peu plus d'une heure, de ne pas attendre un quelconque événement déclencheur d'une histoire. Prêtez-vous au jeu et peut-être, qui sait, atteindrez-vous la paix intérieure juste pour une soirée ?



The Lady, une vision de la Birmanie par Luc Besson



L'investissement personnel fourni par toute l'équipe de ce film mérite à lui-seul d'aller le voir. Tout commence par une recherche de l'histoire, de la vérité, et se finit par un hommage resplendissant qui aura demandé de véritables risques (je vous renvoie sur les « secrets de tournage » et l'interview que vous pouvez visualiser sur AlloCiné). Mais cela reste encore bien peu comparé au courage d'Aung San Suu Kyi.

Le scénario s'est affranchi de quelques informations et a remanié quelques passages de l'histoire véritable, mais le fond, l'essentiel, l'esprit, sont là.
J'ai vu beaucoup de critiques négatives sur ce film, lui reprochant d'être un mélodrame manichéen. Manichéen ? Non. Ces gens-là n'ont pas vu le film, ou alors à travers des lunettes cassées. Mélodrame ? Que ces gens-là continuent de vivre dans leur pays douillet, on ne leur en voudra pas, mais qu'il se la f... mais qu'ils se taisent.

Ce coup de gueule passé, je vous livre mes impressions.

Dès les premières minutes du film, le ton est donné : Aung San Suu Kyi, deux ans, parle à son père pour la dernière fois. Il est calme, chaleureux. Sait-il que ses heures sont comptées ?
Alors qu'un soldat pointe son arme vers lui, il ferme les yeux, serein... Et devient le martyr de ce pays, le symbole de sa liberté volée.
C'est ainsi que le gouvernement birman répondra à toute tentative de protestation : par des scènes de carnage, des armes à feu orientées vers la masse d'êtres humains : des étudiants, des moines bouddhistes.

Puis l'heure d'Aung San Suu Kyi sonne, elle doit à son tour se montrer inflexible et apaisante, telle une Gandhi d'une autre époque. Le peuple voit en elle une force indestructible, mais les sacrifices qu'elle doit faire à chaque minute pour sa patrie ne l'épargnent pas.
C'est une histoire d'amour bouleversante, l'histoire d'une famille qui doit se déchirer avec la mère et l'épouse d'une part, le mari et les fils de l'autre. (A ce propos, les fils sont insupportables, les acteurs les incarnent tels deux chiens battus tout au long du film).
Je vous entends venir, imbéciles de pseudo-critiques, qui diront qu'avec une femme comme héroïne l'histoire d'amour relatée est forcément à l'eau de rose. Sachez que non. Le stéréotype du personnage féminin soutenant le personnage masculin est simplement inversé.
Et c'est une histoire vraie, mes p'tits gars.

D'un point de vue esthétique, chaque seconde est magnifique, chaque plan est un tableau.
Il est impossible de se décrocher de l'histoire, bien que le récit dure deux heures. C'est même un point un peu négatif : il y a tellement d'actions et d'émotions que Luc Besson ne nous laisse aucun répit, de manière quelquefois exagérée.
Mais c'est réussi. Alors pourquoi ne pas torturer un peu le spectateur confortablement assis dans son fauteuil, alors que pendant le tournage, Aung San Suu Kyi était encore incarcérée depuis plus d'une dizaine d'années dans sa maison ?

Un très beau film pour une magnifique dame. 


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